Mythes, contes et traditions orales : techniques ancestrales

Publié le par Duir

 

Que d’encre et que de touches du clavier inscrivent ces mots qui nous interpellent, tous, d’une manière ou d’un autre, un peu rêveur, un tantinet nostalgique. Quelles magies sont portées par ces mots ? Comme si la tradition orale était porteuse d’un secret qui maintenant nous échappe et nous éloigne toujours un peu plus d’une sorte de paradis perdu.

Nous ne pourrions si bien dire, si bien comprendre la perte de ces richesses, nous qui avons tout consigné, trié, fiché, mis à mort dans nos livres.

Nos livres qui sont devenus les références absolues de nos vérités et sans lesquels nous ne pouvons plus nous référer.

 

Que porte la tradition orale que nous ne saurions plus porter ?

Quelle que soit la tradition, nous retrouvons des traces communes de techniques particulières. Les « sages », prêtres, sorciers, shamans, se prêtent tous aux apprentissages de ces techniques. S’ils sont tous à la fois sorciers, prêtres, guérisseurs et qu’ils peuvent tous choisir de se spécialiser (connaissances sacrées, cérémonial rituel, histoire, légendes et généalogies,  relations avec les esprits, conseillers influents auprès des conseils de tribu et des chefs), ils ont tous la connaissance de la transmission, ils connaissent l’Histoire de la communauté, ses mythes, ses contes et ses légendes et sont chargés de les transmettent. Dans un but pédagogique, dans un but thérapeutique.

Nous avons tous entendus parler des Bardes celtes, des Scaldes scandinaves, des Tohunga (chaman Maori), entendus parler des Kalévaléens finnois, des mythes australiens, amérindiens …..

 

Une commune mesure réside dans l’enchevêtrement entre le rêve et la réalité, le mythe et l’histoire, chaque fois, les deux se chevauchent et se mêlent, rendant la compréhension difficile à nos esprits cartésiens, perdus entre deux rives.

Les anciens ne s’y trompaient pas et visaient particulièrement cet effet.  L’approche est différente, plus complète, plus réelle pourrait-on dire si nous prenons un tant soit peu de recul.

En effet que nous prenions les mythes, les contes ou les poésies particulières que furent les Englyn celtes, ou les Edda nordiques, les techniques sont à la fois « carrées » de manière à se caler sur l’esprit logique et le cerveau gauche, et tout à la fois analogique de manière à éveiller le cerveau droit.

Nous pouvons le constater, les techniques ancestrales orales reposent sur différents outils. Le conte, dont le conte de fées, le mythe, la poésie sont exprimés sous forme de paraboles, de métaphores et d’analogies.

 

« Le conte est un récit d’aventure imaginaire » (Pierre Mourlon Beemaert). Depuis la nuit des temps et dans tous les pays, les contes s’adressent à la sensibilité et à l’intuition des auditeurs, ils communiquent une sagesse qui vient du fond des âges.

Les travaux de Bruno Bettelheim et de Clarissa Pinkola Estès ont définitivement éclairé les mécanismes du conte.

Lorsque les contes sont encore vivants, le conteur les accommode à sa façon, ils sont polysémiques, ne peuvent se réduire à une signification unique.

Les contes de fées résument les problèmes de l’existence en terme précis.

« L’enfant dit Bruno Bettelheim, peut ainsi les affronter dans leur forme essentielle. Le conte de fées simplifie les situations, les personnages sont nettement dessinés ».

Le mythe est un récit qui pour Paul Ricoeur est un « Un paquet de relation qui concerne les origines de l’homme, il évoque les relations de parenté, des origines. »

En quelques sortes, le mythe est à la communauté ce que le conte est à l’individu, une transmission qui donne sens, et par conséquent un possible à notre conscient et à notre inconscient, sans clivage ou confit. L’enjeu est de taille.

 

Ces mythes, contes, poèmes utilisent essentiellement les métaphores, le sens analogique et les paraboles.

 

La métaphore est d’après Aristote « une  opération de langage qui consiste à transférer à une chose le nom qui en désigne une autre ». Pour Alain Cayrol et Patrick Barrère elle est définit comme « une forme de discours imagé qui permet de traduire analogiquement une idée ou une situation par une autre ».

David Gordon : « comme une façon de parler (ou d’agir) dans laquelle une donnée est exprimée sous les termes d’un autre énoncé, de telle sorte que le rapprochement jette une lumière nouvelle sur ce qui est écrit ».

 

L’analogie suscitée établie des correspondances entre conscient et inconscient par le biais du langage, de l’art, d’objets, d’activités, de personnages.

 

« Dans le style métaphorique classique le terme évoqué n’est pas présent dans la phrase et c’est à l’auditeur ou au lecteur de le reconstruire » Jean Yves Pouilloux

 

La métaphore peut aussi lier grammaticalement deux termes de façon à suggérer leur identité. D’ordinaire le rapport analogique n’est pas exprimé et peut rester énigmatique.

Les spécialistes distinguent comparaisons et analogies

La comparaison présente deux éléments pour en souligner les ressemblances et les différences (essayer deux vestes, préférer le train ou l’avion) la métaphore glisse d’un élément sur l’autre : « Quel âne ! » au lieu de « quel idiot ».

 

La métaphore possède une visée pédagogique ou thérapeutique. Le rapprochement entre un problème à résoudre et sa transcription dans un récit imaginaire ou du moins tiré d’un autre contexte jette une lumière nouvelle pour l’intéressé.

David Gordon : « Faire entrer un élément nouveau dans l’expérience de la renouveler en y introduisant une issue par un recadrage qui libre une ressource, donner de nouvelles perspectives et de faire des suggestions indirectes ».

Michel  Kerouac : « La métaphore est une alternative. Grace aux métaphores chacun découvre une partie de sa structure profonde, inconsciente ».

 

Les paraboles ont un aspect énigmatique propre à éveiller la curiosité et la recherche, elles invitent l’auditeur à fournir son interprétation et à prendre la responsabilité.

Dans la dynamique des histoires et des contes, la force de la métaphore réside dans la stimulation de la créativité de l’inconscient. Nous disposons de deux hémisphères cérébraux, gauche et droit. Dans le gauche sont les opérations conscientes, le langage et la pensée rationnelle. Dans le droit, l’intuition, l’expression et la pensée analogique. L’effet des métaphores, des analogies est d’établir une connexion entre les données conscientes et un autre contenu imagé que l’inconscient va travailler

Le langage analogique est « vieux comme le monde » dit Milton Erikson.

Il permet de fortifier l’autonomie et la responsabilité de l’auditeur, faciliter l’identification au héros, soutenir la découverte et l’acceptation de soi, établir une complicité entre le narrateur  et l’auditoire

 

 

Les mythes, contes légendes de nos vieux sont toujours décrits entre « rêves et réalités, entre mythe et histoire. Nous avons du mal à démêler ce que nous appelons le vrai du faux dans la légende d’Arthur par exemple, considérant que le vrai est l’historique et le faux le mythique. C’est penser en homme moderne, car pour nos anciens, comme Jung le faisait remarquer, « le rêve et le conte ne sont pas moins réels que la réalité dans la mesure où ils expriment  les processus révélateurs de la personne qui rêve et déterminent la façon dont elle perçoit et vit le monde ». Cela est vrai en soi, cela est vrai dans l’inconscient collectif.

 

Nous devinons l’intérêt de cette approche dans un sens thérapeutique, (perso ou communautaire) et elle peut se constater dans toutes les médecines dites « magiques ». Mais sa valeur dans un sens pédagogique est tout aussi intéressante. Elle permet de d’orienter l’apprentissage vers un état d’autonomie particulièrement intéressant. Nous pourrions nous demander par conséquent où notre endoctrinement moderne perd le sens des réalités pour nous enfermer dans des croyances doctrinales. Mais c’est une autre histoire que nous nous proposons d’aborder ultérieurement.

 

Publié dans Essais

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