Les Celtes et les mégalithes

Publié le par Duir

Les Celtes et les mégalithes

Les Celtes n’ont pas mis en place les mégalithes parce que les Celtes sont postérieurs dans le temps. Quand ils ont colonisé l’Europe de l’ouest elles étaient déjà en place. Donc on ne peut pas, on ne doit pas inclure les mégalithes dans les cultes « druidiques » des Celtes. Voilà la thèse officielle et partagée. Cependant cette thèse est totalement tributaire d’une science qui classifie, met l’humain dans des boites et pose des étiquettes. De la même manière « ils » avaient mis les Celtes dans la case « barbares incultes », et c’est encore ce que l’on nous enseignait à l’école quand j’étais môme. Hors nous savons aujourd’hui qu’ils n’étaient ni barbares, (dans le sens moderne) ni incultes.

Humainement la première remarque que nous pouvons faire c’est qu’à l’époque il devait y avoir beaucoup de mégalithes (1), vu ce qu’il reste encore, malgré des dégradations du temps, leur destruction et leur réutilisation dans d’autres constructions. Beaucoup de mégalithes, cela veut dire que les Celtes les voyaient et vivaient avec beaucoup de ces « monuments » dans leur environnement. D’une part on peut se demander si l’on peut vivre avec autant de témoignages du passé sans s’en préoccuper ? Cela est d’autant plus vrai que les Celtes vouaient un culte aux Ancêtres particulièrement prégnant. Les fêtes dédiées aux morts étaient des plus importantes, sans oublier les filiations que l’on retrouve comme en Irlande, qui se faisait en mentionnant plusieurs générations. Peut-on dans ce cas-là imaginer l’être humain, avec une telle tournure d’esprit, ne pas s’intéresser à ces Pierres, ne pas y voir un lieu sacré ? C’est regarder le passé avec un regard contemporain. En quelque sorte c’est imaginer une frontière claire et nette entre avant et après, comme si un tsunami psychologique était passé par là et encore plus oublier que la tradition des Celtes n’engendrait pas une spiritualité coupée de la nature environnante. Les lieux sont souvent affiliés à des divinités comme dans toutes les fois premières. Les lieux à caractères particuliers étaient sacrés.

Toutes les sociétés anciennes incluaient les sites antérieurs à leur développement dans leurs propres cultes, ceux-là devenant quelques choses comme les Grand Ancêtres … Cela se trouve identifié dans les colonisations premières, ce que fut l’arrivée des Celtes…

A condition qu’ils furent des envahisseurs, ce qui reste encore à démontrer.

Car la thèse veut aussi que les Celtes furent des envahisseurs colonisateurs. A partir du jour où la société produit quelque chose de nouveau, venu d’ailleurs, est-elle obligatoirement le résultat d’une colonisation ? Sommes – nous le résultat d’une invasion chinoise du jour où nous avons utilisé la poudre à canon ? Le Japon fut-il colonisé par les Occidentaux le jour où ils se mirent à fabriquer des fusils ? Les Mac DO et le Coca Cola sont-ils le résultats d’une invasion américaine colonisatrice sur notre sol ? Sans l’écriture, quelques générations futures pourraient certifier que oui. Une mutation de société ne se fait pas forcément sous le coup d’une invasion, mais peut être le fruit d’une simple mutation – de société : « en conséquence on attribue les changement d’idiomes, de rites ou de styles dont on peut observer la mise en place au fil des siècles de la Protohistoire européenne, à des mutations internes des sociétés étudiées, à l’influence de modes véhiculées par des réseaux d’alliances et d’allégeances, de nature fondamentalement pacifique, ce qui signifie, de toute évidence, qu’il convient de reléguer au rayon des fables l’ancienne théorie du “berceau central”, d’où les langues et civilisations celtiques auraient essaimé au gré de vastes migrations et progressivement gagné une bonne partie de l’Europe où elles seraient venues remplacer iles idiomes et cultures héritées du Néolithique. » (2)

Cela semble d’autant plus vrai quand cette société ancre ses croyances et ses mœurs avec autant de « profondeur » dans la Terre. Le berceau, quand il y en a un, reste clairement identifiable, comme nous pouvons l’observer dans le christianisme, champion en colonisation spirituelle dont les lieux les plus saints sont toujours en Afrique du nord et à Rome. Chez les Celtes, tant attachés aux Ancêtres il existe bien des « fondateurs » venus du Nord ou d’Espagne (3), mais aucun lieu sacré ne se trouve ailleurs que sur le sol même de son aire de civilisation. Cela tant à conforter la thèse de Patrick Galliou, « du rôle extrêmement mineur que jouèrent les “invasions” ou déplacement de peuple dans un environnement humain constitué depuis des siècles sinon des millénaires. » (4)

Cela explique bien des choses, le lien du sacré au profane si profondément ancré dans la géographie telle que nous pouvons encore la rencontrer, mais aussi les traces extrêmes de schémas archaïques (préindo) dans la mythologie des Celtes. Que les thèmes mythiques si proches entre l’Irlande, le Japon (5) ou les Amériques natives soient le fruit d’un rapport identique à l’ici et maintenant est bien plus certain qu’une influence entre ces trois protagonistes, encore moins d’une colonisation…

Ainsi il devient difficile, voire impossible, de ne pas imaginer les Celtes avec un sentiment de profond respect et une approche sacrée des Mégalithes. Soit ce n’est pas la civilisation celtique qui a mis en place les dolmens et les menhirs, dans le sens « scientifique » de classification historique, mais les « pierres » projettent bien des racines sacrées pour la civilisation celtique. (6)

(1) Le fait qu’on en trouve dans de nombreux endroits sur la terre, n’a jamais généré l’idée d’une colonisation

(2) Patrick Galliou, Le Monde celtique, Jean Paul Gisserot, 1997, p 29.

(3) Approche mythique et symbolique : C. J. Guyonvarc’h, Textes mythologiques irlandais, Ogam Celticum.

(4) Patrick Galliou, Le Monde celtique, Jean Paul Gisserot, 1997, p 26.

(5) Voir l’ouvrage de Sylvie Verchère Merle, Le féminin solaire dans la mythologie, étude comparée de la Courtise d’Etaine (Irlande) et de La Caverne Céleste (Japon) ; Editions du Cygne, 2016.

(6) Pour l’importance de la « Pierre » chez les Celtes lire Fabien Régnier, La pierre de Souveraineté, Editions du Nemeton, 1998.

 

 

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