Le Sorcier de la Grotte des Trois Frères

Publié le par Duir

J’ai passé une grande partie de mon enfance près du château de « Coumes » ou plus exactement près du château de la famille Begouën, cette même famille célèbre au sujet de l’art pariétal et des grottes régionales. Je me souviens fort bien des gens de la maison, qui nous laissaient visiter leur petit musée personnel et se montraient fort généreux lors des préparations d’exposés scolaires. A l’époque, à l’école c’était encore poële de bois et tableaux de craies, encre violette et tablier fermé. Comme j’aimais ces odeurs. Comme j’aimais préparer les exposés. Le dernier portait sur les sabots de Bethmale, que la famille Begouën a largement agrémenté de détails.

J’ai donc grandi dans le secteur des grottes célèbres. Dormi et rêvé à l’ombre des parures sur pierres de nos lointains ancêtres, bercée par le chant d’une terre gardienne des mémoires comme le sont toutes les montagnes. Adolescente j’ai arpenté la montagne et ses sources secrètes, ses pans durs et ses cimes claires. J’ai visité avec étrangeté, surprise et émotion bien des cavités, connues ou inconnues, comme cette petite grotte jamais retrouvée depuis, si petite qu’elle nous fit penser à une maison de nains, de poupées ou de Hadas, ces femmes fées, ces Dames Blanches.

C’est une autre expérience que de porter le pas, adulte et en conscience, vers les versants pierrés du Tuc d'Audoubert et de ses ombres profondes. Une autre émotion, que les mots ont du mal à transcrire que de poser le pied, la main, le cœur et l’âme contre la terre qui porte gravée sur la peau des signes des hommes. C’est comme entendre un cœur qui bat dans un ventre de femme.

La nature ici est tellement, ici, reine et présente, forte, qu’il est encore aisé de se laisser engloutir dans ses franges sauvages. On se sent si petit mais si bien. La montagne a cela de précieux, elle est comme les chats, jamais totalement domestique. Avec silence et retenue on peut l’approcher lentement et l’apprivoiser, un peu. Elle nous livre alors non seulement les secrets des vieux temps mais la force de sa sauvage engeance. Oui on peut sentir ce que c’est que d’être là, fragile et secourable, à la merci du vent, du temps et des chevreuils qui passent. Comme chaque fruit se cueille avec merci, respect. Un peu animal, un peu terre, on erre, on tangue un peu, on danse lentement comme un ours. On sent comme le jour se montre, qu’il est bon que le soleil se lève et que nous n’y pouvons rien.

Alors se lève le chant du monde, le murmure de la terre, se lève les chuchotements qu’y ont enclos les vieux danseurs de l’éternité, les femmes bleues de nos mémoires millénaires.
Que sommes nous d’autres que ces bouts de ciel dans nos yeux levés ?
Que sommes nous d’autres que ces bouts de terre dans nos chairs dorées ?
Que sommes nous d’autres ….
Que ces peintures qui dansent encore quand on laisse la lueur des bougies auréoler l’obscur souvenir de la Mère ?
Il suffit d’un éclat de flamme qui danse pour que l’espace devienne un monde vivant, et magnifique d’éternité.

Le sorcier















Situé à 4 m de haut, sur la voûte, dominant un fouillis d'animaux, il est gravé et en partie peint en noir. L'abbé Breuil en fit la description et l'interprétation suivantes :

"Vu de face, cette tête a des yeux ronds pupillés entre lesquels descend la ligne nasale se terminant par un petit arceau. Les oreilles dressées sont celles d'un cerf ; sur le bandeau frontal peint en noir émergent deux fortes ramures épaisses sans andouillers frontaux, avec un seul andouiller court déjà assez élevé au-dessus de la base, après lequel chaque branche se coude vers l'extérieur pour se diviser à nouveau en deux à droite et trois à gauche. Il n'y a pas de bouche, mais une très longue barbe striée tombant sur la poitrine. Les avant-bras sont relevés et joints horizontalement, se terminant par deux mains juxtaposées, à doigts courts et tendus ; leur couleur est délavée, presque disparue. Une large bande noire cerne tout le corps, s'amincissant à l'ensellure lombaire et s'étendant aux membres inférieurs fléchis. Un point marque la rotule de gauche. Les pieds, orteils compris, sont assez soignés et marquent un mouvement analogue à celui de la danse du "Cakewalk". Le sexe mâle, accentué, non érigé, est rejeté en arrière, mais bien développé, inséré sous une queue abondante (loup ou cheval) à petite houppe terminale. Telle est évidemment la figure que les Magdaléniens considéraient comme la plus importante de la caverne et qui nous paraît, à la réflexion, celle de l'Esprit régissant la multiplication du gibier et les expéditions de chasse."

 

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